Dans cet email envoyé à la liste Noites do Brasil et annonçant le concert d'Orquestra do Fubá, voici ce que j'ai pu lire, signé par leur attachée de presse :

Orquestra do Fubá

Les français ont adopté le Forró ! Trois ans déjà que l’Orquestra do Fubá enivre son public partout en France et en Europe avec ses concerts toujours énergisants. Deux albums chaleureusement accueillis et plus de deux cent concerts ! Le résultat : une invasion de cours de Forró dans la capitale, des bals pour danser jusqu’à l’aube, leur bonne musique sur les ondes des meilleures radios nationales.

Alors là, l'attachée de presse, soit elle a fumé la moquette, soit elle est cynique... mais le marketing a des limites...

D'une part Orquestra do Fubá ne fait qu'un concert tous les 4 mois à Paris environ (et c'est leur droit), et d'autre part ils n'ont rien à voir avec les cours de forró qui fleurissent effectivement dans la capitale (du fait de passionnés qui gagnent trois fois rien). Ils n'ont rien à voir avec les "bals pour danser jusqu'à l'aube" où l'on ne voit jamais Orquestra do Fubá, mais plutôt divers groupes de forró, passionnés aussi, qui jouent toutes les semaines, pour permettre à un public de passionnés également de danser. L'écosystème fragile du forró à Paris (des concerts et des soirées pour nourrir la danse, l'envie de danser pour nourrir les cours de forró et des cours de forró pour nourrir les soirées et les concerts) est indépendant d'Orquestra do Fubá.

Orquestra do Fubá fait de la musique, c'est déjà très bien, pas forcément de la musique faite pour danser en couple, ce n'est pas grave et ce n'est pas forcément ce qu'ils veulent faire. Ils font une fois tous les 4 mois des concerts à 15 € ou 20 € quand le prix des bals forró hebdomadaires oscille entre 1 € et 6 €, et pourquoi pas, mais il ne faut pas raconter qu'ils sont à la base du circuit forró populaire à Paris, ce n'est pas vrai. Le public d'Orquestra do Fubá est un public plutôt français et plutôt mélomane, pas un public de danseurs de forró (les brésiliens ne payent pas 15 € pour aller à un bal), et encore une fois c'est très bien comme ça. Ce qui est - un peu - énervant, c'est quand l'attachée de presse veut en plus accoler à Orquestra do Fubá l'image des bals forró populaires, et pire, faire croire qu'Orquestra do Fubá est à l'origine de ces bals populaires à Paris : c'est mépriser tous les acteurs (profs de forró, organisateur de soirée, programmateurs de bars, groupes de forró) qui passent leur temps et leur énergie à faire en sorte que vivent ou survivent ces bals forró dans la capitale, et ce n'est jamais gagné : il suffit de consulter la rubrique des "soirées qui n'existent plus" sur ce site pour s'en rendre compte (d'ailleurs on voit qu'il y a un an et demi Orquestra do Fubá a essayé pendant un mois de jouer le jeu du bal forró hebomadaire; à 12 € certes, mais c'est déjà quelque chose. Ils ont vite arrêté). Depuis 2002 c'est par dizaines qu'il faudrait compter les cours de forró ou les soirées éphémères disparues faute de danseurs ou de persévérance des patrons de bars. Mais chaque soirée forró disparue, c'est une autre qui est en train d'être montée, inlassablement.

Alors si les "français ont adopté le forró", (et il ne faut pas encore crier victoire : si l'attachée de presse fréquentait ces soirées forró elle saurait à quel point elles sont fragiles et qu'elles se comptent encore sur les doigts d'une mains), le mérite n'en revient pas à Orquestra do Fubá, mais à ceux qui sont sur les pistes de danse, derrière les platines et sur la scène toutes les semaines, qu'il pleuve ou qu'il vente. Le forró populaire se vit au jour le jour dans les bars et les clubs, avec ses joies et ses vicissitudes.

Personne ne reproche à Orquestra do Fubá d'être ce qu'ils sont : ce sont certainement de grands musiciens. Mais ce n'est pas grandir le groupe que de travestir la réalité comme ça. Et surtout il faut que les attachés de presse reviennent sur terre :-)

corsario


Mise à jour mai 2008 : l'attachée de presse d'Orchestra do Fuba a renouvelé son stock de moquette, et là encore, c'est de la bonne (dans le texte de présentation du festival "Nordeste do Brasil" des 13 et 14 juin 2008) :

Orquestra do Fubá : Ce groupe de musiciens brésiliens basés en France a à lui seul introduit à Paris le bal forró, à travers les soirées estivales Noites do Brasil transformant les hauts lieux de la vie nocturne parisienne en places publiques de cités nordestines.

Ca à l'air important d'être les seuls pour Orquestra do Fuba, ou leur attachée de presse (j'aimerais bien lui dire bonjour un jour, mais je ne la vois jamais dans les soirée forró; c'est dommage on danserait des forró endiablés elle et moi, j'en suis sûr). Cela fera doucement sourire ceux qui dansent toutes les semaines à Paris et qui n'ont malheureusement jamais entendu parlé des Noites do Brasil forró, et pour cause : à ma connaissance Noites do Brasil fait un bal forró par an au Cabaret sauvage (le prochain est apparemment le 5 juillet 2008). Enfin bon, il vaut mieux en sourire. Moi je préférerais nettement que la vie nocturne parisienne ressemble vraiment à des "places publiques de cités brésiliennes", avec des concerts de groupes brésiliens, comme Forró Chama Chuva, Trio Virgulino, Trio Potigua, Trio Forrozão (ah... on me dit dans l'oreillette que le Trio Forrozão est attendu à Paris en octobre 2008 ! Voilà une très bonne nouvelle ! On me dit aussi que si ce premier concert est un succès, c'est Falamansa que l'on accueillera à Paris, en attendant d'autres groupes de forró...).

Rendez-vous dans un an sur ce billet pour la prochaine blague de l'attachée de presse...

Et en attendant on va danser le forró ! E bom demais !